Sans rupture du lien familial, un des parents peut décéder et se pose la question des droits des grands-parents : sur l’autorité parentale et sur le patrimoine de l’enfant. Les parents peuvent placer l’enfant dans une situation de danger ou à tout le moins de manquement ce qui peut interroger sur la question de la protection du mineur.
HÉMÉRA Avocats à Paris 14e – Maître Charlotte HOAREAU
AUTORITE PARENTALE EN CAS DE DECES DES OU D’UN PARENT
En cas de décès des deux parents, une tutelle va s’ouvrir automatiquement pour protéger l’enfant. (Article 390 du code civil)
Les parents peuvent avoir anticipé et avoir désigné un Tuteur par testament ou acte notarié, conformément à l’Article 403 du Code civil qui dispose :
« Le droit individuel de choisir un tuteur, qu’il soit ou non parent du mineur, n’appartient qu’au dernier vivant des père et mère s’il a conservé, au jour de son décès, l’exercice de l’autorité parentale.
Cette désignation ne peut être faite que dans la forme d’un testament ou d’une déclaration spéciale devant notaire.
Elle s’impose au conseil de famille à moins que l’intérêt du mineur commande de l’écarter.
Le tuteur désigné par le père ou la mère n’est pas tenu d’accepter la tutelle. »
On comprend donc immédiatement que l’anticipation est importante et l’information de celui qui est désigné également.
Cependant, en cas de décès d’un seul des parents, l’article 373-1 du code civil prévoit que :
« Si l’un des père et mère décède ou se trouve privé de l’exercice de l’autorité parentale, l’autre exerce seul cette autorité, à moins qu’il en ait été privé par une décision judiciaire antérieure. »
Dès lors, c’est le parent survivant qui exercera, par principe seul, l’autorité parentale sur les enfants. Et c’est là où cela peut être vu comme injuste car la famille du côté de celui qui est décédé peut se sentir exclue des décisions pour les enfants.
LA DESIGNATION D’UN ADMINISTRATEUR LEGAL SPECIAL (GESTION DU PATRIMOINE)
Les parents peuvent désigner un Administrateur Légal Spécial pour gérer les biens hérités, conformément à l’Article 384 du Code civil. Ce mécanisme s’applique même en cas de survie d’un parent.
L’administrateur gère les biens sous le contrôle du Juge des Tutelles (Article 408 du Code civil) :
« Le tuteur prend soin de la personne du mineur et le représente dans tous les actes de la vie civile, sauf les cas dans lesquels la loi ou l’usage autorise le mineur à agir lui-même.
Il représente le mineur en justice. Toutefois, il ne peut agir, en demande ou en défense, pour faire valoir les droits extrapatrimoniaux qu’après autorisation ou sur injonction du conseil de famille. Celui-ci peut également enjoindre au tuteur de se désister de l’instance ou de l’action, ou de transiger.
Le tuteur gère les biens du mineur et rend compte de sa gestion conformément aux dispositions du titre XII.
Le tuteur, après autorisation du conseil de famille, effectue les actes de disposition nécessaires pour les besoins de la création et de la gestion d’une entreprise individuelle à responsabilité limitée ou d’une société unipersonnelle. »
La Cour de Cassation insiste sur le contrôle du Juge des Tutelles, rappelant qu’un acte de disposition sur un bien de l’enfant sans cette autorisation est nul.
Attention le parent titulaire de l’autorité parentale peut réaliser des actes d’administration (actes ordinaires de gestion) mais il ne peut réaliser des actes de dispositions sans l’accord du juge des tutelles (vente, grosses réparations, bail commercial, rural ou artisanal)
L’article 398 du code civil prévoit que : « Même en présence d’un tuteur testamentaire et sauf vacance, la tutelle est organisée avec un conseil de famille. »
LA DELEGATION DE L’AUTORITE PARENTALE
La délégation d’autorité parentale amiable
Elle peut être prévue amiablement avec le parent sous forme de délégation-partage de l’autorité parentale.
Naturellement, le juge conserve son pouvoir d’appréciation car c’est une mesure judiciaire et il apprécie souverainement si cela est conforme à l’intérêt de l’enfant.
C’est une demande sur requête par le titulaire de l’autorité parentale. C’est une procédure orale, sans avocat obligatoire.
La délégation d’autorité parentale forcée
Par ailleurs, l’article 377 aliéna 2 du code civil prévoit une délégation forcée de l’autorité parentale et dispose que :
» Les père et mère, ensemble ou séparément, peuvent, lorsque les circonstances l’exigent, saisir le juge en vue de voir déléguer tout ou partie de l’exercice de leur autorité parentale à un tiers, membre de la famille, proche digne de confiance, établissement agréé pour le recueil des enfants ou service départemental de l’aide sociale à l’enfance.
Le particulier, l’établissement ou le service départemental de l’aide sociale à l’enfance qui a recueilli l’enfant ou un membre de la famille peut également saisir le juge aux fins de se faire déléguer totalement ou partiellement l’exercice de l’autorité parentale :
1° En cas de désintérêt manifeste des parents ;
2° Si les parents sont dans l’impossibilité d’exercer tout ou partie de l’autorité parentale ;
3° Si un parent est poursuivi par le procureur de la République, mis en examen par le juge d’instruction ou condamné, même non définitivement, pour un crime commis sur la personne de l’autre parent ayant entraîné la mort de celui-ci ;
4° Si un parent est poursuivi par le procureur de la République, mis en examen par le juge d’instruction ou condamné, même non définitivement, pour un crime ou une agression sexuelle incestueuse commis sur son enfant alors qu’il est le seul titulaire de l’exercice de l’autorité parentale.
Dans les cas prévus aux 3° et 4°, le juge peut également être saisi par le ministère public, avec l’accord du tiers candidat à la délégation totale ou partielle de l’exercice de l’autorité parentale, à l’effet de statuer sur ladite délégation. Le cas échéant, le ministère public est informé par transmission de la copie du dossier par le juge des enfants ou par avis de ce dernier.
Lorsque la diffusion de l’image de l’enfant par ses parents porte gravement atteinte à la dignité ou à l’intégrité morale de celui-ci, le particulier, l’établissement ou le service départemental de l’aide sociale à l’enfance qui a recueilli l’enfant ou un membre de la famille peut également saisir le juge aux fins de se faire déléguer l’exercice du droit à l’image de l’enfant.
Dans tous les cas visés au présent article, les deux parents doivent être appelés à l’instance. Lorsque l’enfant concerné fait l’objet d’une mesure d’assistance éducative, la délégation ne peut intervenir qu’après avis du juge des enfants. »
Dès lors, un désintérêt manifeste des parents ou du parent restant peut justifier une délégation forcée (il n’est plus subordonné à une durée minimale). Il faut que cela soit volontaire et que le désintérêt présente un degré de gravité » et doit être propre au parent.
Cela peut être également une impossibilité. L’impossibilité peut correspondre à : maladie, hospitalisation, incarcération etc.
Tous les modes de preuves sont recevables : attestations, lettre etc.
Dans le cadre de cette procédure, le juge peut fixer des mesures provisoires. Mais il est limité à ne pouvoir choisir que celui qui fait la demande ou à refuser, il ne peut pas choisir la personne qui aura la délégation.
Il peut transférer tout ou partie de l’AP (résidence, santé, éducation, scolarité, activité, ouverture de compte, autorisation de travail).
La délégation est subordonnée au contrôle du magistrat qui doit rechercher si elle est conforme à l’intérêt de l’enfant.
Le juge pourra procéder aux auditions des différents protagonistes, la procédure se passe en chambre du conseil et le juge a de larges pouvoir pouvant procéder à toutes les investigations utiles
En parallèle de cette demande de délégation, si le parent ne peut pas prendre soin de l’enfant, il est à craindre qu’il ne soit pas capable de gérer ses biens. Il faudra donc solliciter, si elle n’a pas été prévue, l’ouverture d’une tutelle aux biens sur le fondement de l’article 391 du code civil :
« En cas d’administration légale, le juge des tutelles peut, à tout moment et pour cause grave, soit d’office, soit à la requête de parents ou alliés ou du ministère public, décider d’ouvrir la tutelle après avoir entendu ou appelé, sauf urgence, l’administrateur légal. Celui-ci ne peut faire aucun acte de disposition à partir de la demande et jusqu’au jugement définitif sauf en cas d’urgence.
Si la tutelle est ouverte, le juge des tutelles convoque le conseil de famille, qui peut soit nommer comme tuteur l’administrateur légal, soit désigner un autre tuteur. »
Les grands parents pourront naturellement solliciter leur désignation dans ce cadre, tout comme dans le cadre d’une tutelle pleine et entière.
La demande peut également être faite même sans délégation ou autre uniquement sur les biens en cas de mauvaise gestion et d’acte contraire à l’intérêt de l’enfant
ROLE EN MATIERE DE PROTECTION DE L’ENFANCE
Dans des situations de délaissement ou de danger, chacun pour faire un signalement.
Dans les cas les plus sérieux et graves, l’article 375-3 du code civil dispose que :
« Si la protection de l’enfant l’exige, le juge des enfants peut décider de le confier :
1° A l’autre parent ;
2° A un autre membre de la famille ou à un tiers digne de confiance ;
3° A un service départemental de l’aide sociale à l’enfance ;
4° A un service ou à un établissement habilité pour l’accueil de mineurs à la journée ou suivant toute autre modalité de prise en charge ;
5° A un service ou à un établissement sanitaire ou d’éducation, ordinaire ou spécialisé.
Sauf urgence, le juge ne peut confier l’enfant en application des 3° à 5° qu’après évaluation, par le service compétent, des conditions d’éducation et de développement physique, affectif, intellectuel et social de l’enfant dans le cadre d’un accueil par un membre de la famille ou par un tiers digne de confiance, en cohérence avec le projet pour l’enfant prévu à l’article L. 223-1-1 du code de l’action sociale et des familles, et après audition de l’enfant lorsque ce dernier est capable de discernement.
Toutefois, lorsqu’une demande en divorce a été présentée ou un jugement de divorce rendu entre les père et mère ou lorsqu’une demande en vue de statuer sur la résidence et les droits de visite afférents à un enfant a été présentée ou une décision rendue entre les père et mère, ces mesures ne peuvent être prises que si un fait nouveau de nature à entraîner un danger pour le mineur s’est révélé postérieurement à la décision statuant sur les modalités de l’exercice de l’autorité parentale ou confiant l’enfant à un tiers. Elles ne peuvent faire obstacle à la faculté qu’aura le juge aux affaires familiales de décider, par application de l’article 373-3 du présent code, à qui l’enfant devra être confié. Les mêmes règles sont applicables à la séparation de corps.
Le procureur de la République peut requérir directement le concours de la force publique pour faire exécuter les décisions de placement rendues en assistance éducative. »
Priorité est donc donnée aux deux premières options, et donc de rechercher une solution d’accueil dans la famille (grands-parents), avant un placement externe.
Lorsqu’un enfant est en danger, le juge des enfants peut décider de le placer en dehors de son milieu familial pour le protéger. Ce placement peut être ordonné par exemple si l’enfant est livré à lui-même ou si un signalement a été fait par un voisin, un ami, l’école ou l’aide sociale à l’enfance (ASE).
Le placement d’un enfant est une mesure exceptionnelle de protection prise par le juge des enfants lorsqu’il estime que le maintien de l’enfant dans son milieu familial l’expose à un danger.
Cette décision intervient uniquement lorsque les autres solutions d’accompagnement et de soutien à la famille ne sont pas suffisantes pour garantir la sécurité et le bien-être de l’enfant.
Avant de décider du placement d’un enfant, le juge doit privilégier d’autres mesures qui visent à soutenir la famille et éviter une séparation avec l’enfant.
Ces mesures peuvent être les suivantes :
- Aide éducative à domicile (Aed)
- Mise en place par l’aide sociale à l’enfance (Ase) d’un suivi régulier pour prévenir les situations de danger
- Placement ponctuel en accueil de jour ou en hébergement temporaire
- Assistance éducative en milieu ouvert – Aemo (suivi obligatoire par un éducateur mandaté par le juge pour travailler avec la famille sur les difficultés rencontrées)
- Retrait temporaire de l’enfant chez un proche (membre de la famille ou tiers de confiance).
Si ces solutions ne suffisent pas à garantir la sécurité et le bien-être de l’enfant, alors un placement peut être ordonné.
Le juge peut décider de placer un enfant lorsqu’il estime qu’un risque trop important pèse sur un ou plusieurs aspects de sa vie, notamment :
- Sa santé physique (manque de soins médicaux, malnutrition,…)
- Sa santé mentale ou psychologique (troubles du comportement, absence de suivi…)
- Sa sécurité physique (maltraitance, négligence…)
- Sa sécurité matérielle (logement insalubre,…)
- Sa moralité (exposition à la délinquance…)
- Son éducation (déscolarisation, absentéisme scolaire,…)
- Son développement physique, affectif, intellectuel et social (carence affective, isolement social,…).
La mesure de placement peut être prise en même temps pour plusieurs enfants de la même famille.
Dans ce cas, le juge cherche autant que possible à les maintenir ensemble.
Même en cas de placement chez un tiers il est possible de demander à voir l’enfant.
La mesure de placement s’inscrit dans ce que l’on appelle l’assistance éducative. Elle vise à protéger l’enfant tout en accompagnant les parents dans l’amélioration de la situation familiale. L’objectif est de permettre à l’enfant de retourner dans sa famille dès que possible et ce, sous certaines conditions.
Un bilan de santé et de prévention est obligatoirement réalisé à l’entrée du mineur dans le dispositif de protection de l’enfance.
Le juge des enfants peut intervenir à la demande des personnes suivantes :
- Procureur de la République
- Parents (séparément ou ensemble ou Tuteur (s’ils estiment qu’ils ne peuvent plus assurer la sécurité de l’enfant)
- Personne ou institution à qui l’enfant avait été confié provisoirement par l’aide sociale à l’enfance (Ase)
- Enfant lui-même. Selon son âge et sa capacité de discernement, il peut s’adresser au juge soit par l’intermédiaire d’un avocat, d’un éducateur spécialisé, d’un assistant social, soit par écrit, soit en étant entendu directement par le juge.
Le juge des enfants peut également décider d’intervenir de lui-même.
La demande se fait par l’intermédiaire d’une requête, c’est-à-dire un document écrit formalisé permettant de saisir un tribunal en expliquant les faits.
La requête est à adresser au juge des enfants du tribunal du domicile de la personne chez qui l’enfant réside.
Dès l’ouverture de la procédure, le juge doit informer les personnes suivantes :
- Procureur de la République
- Parents, personne ou institution à qui l’enfant a été confié (s’ils ne sont pas à l’origine de la demande).
Au cours de la procédure, le juge doit convoquer les personnes suivantes :
- Parents
- Personne ou l’institution à qui l’enfant a été confié provisoirement
- Enfant (s’il est capable de discernement)
Le juge ordonne toute mesure d’information sur la personnalité et les conditions de vie de l’enfant et de ses parents (enquête sociale, examens médicaux…). On parle de mesures d’investigation judiciaires éducatives.
L’objectif est de recueillir le plus grand nombre d’informations pour évaluer la gravité du danger et les capacités des parents à assurer la protection de leur enfant.
Le juge doit recevoir les parents (ou le tuteur), la personne ou le représentant du service à qui l’enfant a été confié, et le mineur avant toute décision.
Lors de l’audience, si l’enfant est capable de discernement, le juge effectue un entretien individuel avec lui. Dans ce cas, si c’est dans son intérêt, le juge peut demander que l’enfant soit assisté d’un avocat. Si l’enfant n’est pas en mesure de s’exprimer seul, le juge peut demander la désignation d’un administrateur ad hoc.
Le juge peut également entendre toute personne qui pourraient apporter des éléments utiles à la compréhension de la situation familiale.
Le but est de comprendre la situation familiale de l’enfant et d’identifier les mesures qui lui serait les plus adaptées.
Le juge doit toujours s’efforcer de recueillir l’adhésion de la famille à la mesure envisagée et se prononcer uniquement dans l’intérêt de l’enfant.
Chaque fois qu’il est possible, le mineur doit être maintenu dans son milieu actuel.
À l’issue de l’audience, le juge peut décider de mettre en place une ou plusieurs mesures éducatives.
Il peut décider de confier l’enfant à l’une des personnes ou institutions suivantes :
- Autre parent (si l’enfant n’avait pas sa résidence habituelle chez lui et ne court pas de danger)
- Membre de la famille autre que les parents (un voisin, un ami connu ou à un tiers digne de confiance)
- Service départemental de l’aide sociale à l’enfance (Ase), qui place l’enfant en famille d’accueil ou dans un établissement spécialisé
- Service ou établissement habilité pour l’accueil séquentiel de mineurs (par exemple : à la journée, 2 fois par semaine)
- Service ou établissement sanitaire ou d’éducation (par exemple, maison d’enfants à caractère sanitaire et social, hôpital).
Le juge peut également décider de classer le dossier sans suite s’il estime qu’il n’y a pas lieu de placer l’enfant.
La décision doit être argumentée et notifiée aux parties dans les 8 jours.
Le juge peut prononcer cumulativement le placement d’un mineur à l’aide sociale à l’enfance (Ase) et une mesure d’assistance éducative en milieu ouvert. Dans ce cas, l’enfant n’est pas placé dans un centre, il est suivi par un éducateur ou par une famille d’accueil. Toutefois, il peut le faire uniquement lorsque la situation et l’intérêt de l’enfant le justifient, et ce sur réquisitions écrites du ministère pubic.
Cet appel peut être formé par les personnes suivantes :
- Parent(s) ou avocat
- Tuteur de l’enfant (s’il en a été nommé un)
- Enfant lui-même
- Personne ou service à qui l’enfant a été confié
- Procureur de la République.
La décision du juge des enfants peut faire l’objet d’un appel dans les 15 jours qui suivent sa notification.
L’appel doit être présenté devant la chambre des mineurs de la cour d’appel compétente.



