LA DISCRIMINATION SYNDICALE

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Selon les chiffres du Défenseur des droits, 5,5% des réclamations en matière de discrimination sont faites au motif de l’activité syndicale.

HÉMÉRA Avocats – Me Valérie LEMERLE

 

1. DEFINITION

La discrimination syndicale est donc une différence de traitement qui n’est pas fondée sur des éléments objectifs et neutres mais sur des motifs liés à l’activité syndicale.

Cette discrimination peut se révéler dans le cadre :

  • d’une embauche ;
  • de la conduite et de la répartition du travail ;
  • de l’octroi d’un avancement ;
  • de la formation professionnelle ;
  • de l’entretien professionnel ;
  • de mesure disciplinaire ;
  • de rémunération et d’octroi d’avantages sociaux ;
  • et bien évidemment de rupture du contrat de travail.

Mais cette liste n’est pas limitative.

D’une manière générale, l’appartenance syndicale ne doit en aucun cas être le fondement d’une décision prise par l’employeur.

Cela ne doit pas non plus être un motif de pression sur le salarié (Article L2141-7 du Code du travail).

 

2. LES MESURES DE PREVENTION

  1. Les accords de dialogue social

Ils permettent d’encadrer les principaux écueils en matière de discrimination que sont les retards à l’avancement et la stagnation de la rémunération.

Donc il faut essayer de porter un soin particulier à la rédaction de ces accords pour tenter d’y faire intégrer un maximum de garde-fou et de garanties en termes d’évolution de carrière et de rémunération des élus et des représentants syndicaux.

  1. La garantie d’évolution des salaires

Afin de lutter plus efficacement contre les discriminations salariales à l’égard des représentants du personnel, la Loi Rebsamen de 2015 a institué une garantie d’évolution des rémunérations des salariés protégés dont le temps de délégation excède 30% de leur temps de travail (Article L2141-5-1 du Code du travail) : ces salariés peuvent prétendre à une évolution de leur rémunération pendant la durée de leur mandat au moins égale aux augmentations générales et à la moyenne des augmentations individuelles perçues pendant cette période par les salariés de même catégorie professionnelle et d’ancienneté comparable, sauf accord collectif de branche ou d’entreprise plus favorable.

 

 

3. VOUS ETES VICTIME DE DISCRIMINATION SYNDICALE

 

  • Regrouper les éléments de preuve

 Réunir bulletins de paie, notes de services, sanctions disciplinaires, attestations, établir éventuellement des tableaux comparatifs.

S’agissant de discrimination à l’avancement ou salariale, il faut aller chercher les informations d’ordre général dans la BDESE sur la politique salariale : salaire moyen médian par sexe et catégorie professionnelle et, pour les sociétés de plus de 300 salariés, par tranches d’âge et niveau ou coefficient hiérarchique, les primes, le nombre et le taux de promotion, la durée moyenne entre deux promotions,

Toutes ces informations sont évidemment des indices précieux pour établir une éventuelle discrimination.

Et pour des éléments plus précis, au besoin via un référé communication de pièce sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile : le livre d’entrée et de sortie du personnel et bulletins de paie – au besoin anonymisés – de salariés d’ancienneté et de qualification comparables.

Etant précisé que la cour de cassation considère que le droit à la vie privée (des autres salariés de l’entreprise dont la communication des bulletins de paie est demandée) et le droit au secret des affaires doivent s’effacer devant la nécessité de faire respecter le droit à l’égalité de traitement et à l’absence de discrimination.

 

  • Saisine de l’employeur

Ensuite, en alerter l’employeur, les mesures discriminantes pouvant relever d’un management local.

Etant rappelé qu’une alerte par un élu CSE doit donner lieu à enquête contradictoire.

 

  • Saisine de l’Inspection du travail

L’inspection du travail est garante du respect de vos droits de représentants du personnel.

Elle demandera à l’employeur des explications sur les mesures discriminatoires suspectées.

Elle peut aller jusqu’à enquêter et si les actes lui paraissent avérés et sérieux, relever un procès-verbal qui sera transmis au Parquet.

 

  • Saisine du défenseur des droits

Il peut mettre en place une mesure de médiation et peut également faire usage de son pouvoir d’enquête et établir des procès-verbaux transmis au Parquet.

 

  • Saisine du Conseil de Prud’hommes

En faisant état de faits laissant supposer l’existence d’une discrimination, à charge pour l’employeur d’établir que les faits invoqués sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination (ancienneté, diplôme, qualifications, évaluation objective des qualités professionnelles ou des résultats).

Le juge procède en général à une double comparaison : une comparaison dans le temps entre avant et après l’exercice de l’activité syndicale et une comparaison entre le sort du salarié et celui des salariés sans activité syndicale placés dans une situation identique.

Dans les situations complexes, il est également possible de demander au juge la désignation d’un expert pour procéder aux calculs conséquents à une reconstitution de carrière qui peuvent être très lourds.

 

  • Eventuellement déposer une plainte pénale

La plainte pénale peut être intéressante en termes d’éléments de preuve.

Devant le Conseil de Prud’hommes ne sont pas admissibles les preuves obtenues de manière déloyale. Notamment les enregistrements à l’insu de l’employeur : enregistrement d’entretiens, enregistrements de conversation téléphonique auquel l’employeur n’aurait pas donné son consentement mais au cours duquel il aurait par exemple reconnu l’existence d’une discrimination.

Ils seront recevables dans le cadre d’une plainte pénale.

 

  • Action de groupe

 En matière de discrimination, une action de groupe est possible.

Elle permet à un groupe de personnes victime d’une même discrimination d’agir collectivement via une association ou un syndicat pour faire cesser la discrimination et éventuellement obtenir réparation devant le Tribunal Judiciaire.

 

4. SANCTIONS

Tout acte discriminatoire en raison de l’appartenance syndicale ou de l’exercice d’un mandat pris par l’employeur est nul (article L.1132-4 du Code du travail).

Il vous est donc possible de demander l’annulation des mesures  discriminatoires prises à votre encontre (Cass. Soc. du 17 mars 1999, n°97-45555 ; Cass. Soc. du 10 juillet 2001, n°99-21884) sans préjudice des :

  • Rappel de salaires,
  • Demande en reconstitution de carrière,
  • Ou autres dommages et intérêts non limités par un barème d’indemnisation.

 

Exemples de condamnations :

 Subir un retrait progressif de ses responsabilités à partir du moment où le salarié est investi de divers mandats de représentation du personnel permet de présumer l’existence d’une discrimination (CA PARIS 7 octobre 2008 / Juris-Data n°2008-373198).

Il en est de même lorsque le salarié voit sa carrière brutalement stagner alors qu’elle se manifestait par d’importantes promotions avant la révélation de son appartenance syndicale (Cass. soc. 10 janvier 2006, n°04-43070).

Les refus successifs d’accorder des vacances ou d’accéder à des formations ainsi que le retrait de dossiers ont été jugés constitutifs d’une discrimination syndicale (Cass. Crim. du 27 mai 2015, n°13-85440).

L’application à un salarié d’une période d’essai plus longue que pour les autres salariés ayant le même âge, la même expérience et les mêmes responsabilités (Cass. Crim. Du 25 novembre 2003, n°03-80721).

La mise en place d’un système d’avancement propre aux salariés titulaires d’un mandat syndical (Cass. Soc. du 29 janvier 2008, n°06-42066) voire des dispositions conventionnelles limitant l’augmentation de salaire susceptible de découler de la promotion d’un représentant du personnel (Cass. Soc. 24 septembre 2008, n°06-46179) ont été jugés discriminatoires et donc nulles.

Le licenciement est discriminatoire lorsque l’employeur reproche au salarié son manque de loyauté suite à la création d’un syndicat (Cass. Soc. du 3 juillet 2012, n°11-10793) ou d’une section syndicale (Cass. Soc. 23 septembre 2008, n°07-42394).

Est victime de discrimination syndicale le salarié dont les activités syndicales sont mentionnées dans ses entretiens d’évaluation professionnelle, évaluations plus faibles que ses collègues durant lesquels il lui est demandé de « faire la part des choses entre son métier et ses opinions » et « d’assumer ses fonctions et ses mandats, en même temps qu’il lui [est] reproché de ne pas atteindre ses objectifs » (Cass. Soc. du 1er février 2017, n°15-20799).

Un salarié investi de divers mandats électifs qui n’a bénéficié d’aucune promotion individuelle pendant 14 ans mention faite dans ses fiches d’évaluation de ses activités prud’homales et syndicales et des perturbations qu’elles entrainaient dans la gestion de son emploi du temps laisse supposer l’existence d’une discrimination (Cass. soc. 1er juillet 2009, n°08-40988) ; il en est de même de la simple mention dans les fiches d’évaluation d’une disponibilité réduite du fait des fonctions syndicales (Cass. Soc. 11 janvier 2012, n°10.16655).

Faire appel à un cabinet de conseil afin de limiter l’influence d’un syndicat au profit d’un autre et organiser des réunions avec les cadres de l’entreprise en montrant la nécessité de neutraliser ce syndicat et de favoriser l’émergence d’un autre syndicat caractérise un délit d’entrave et une discrimination syndicale (Cass. Crim. 2 septembre 2008, n°07-81661).

L’absence d’augmentations individuelles pendant 10 ans laisse présumer l’existence d’une discrimination (Cass. Soc. 1er juillet 2020, n°19-11458).

L’absence de versement de primes peut également constituer une discrimination syndicale, le pouvoir discrétionnaire de l’employeur ne pouvant constituer un élément objectif excluant toute discrimination (Cass. Soc. 13 mai 2008, n°06-43949).

 

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