L’INDEMNISATION DU PREJUDICE CORPOREL

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L’indemnisation du préjudice corporel, donc des atteintes à la personne, se réalise sur la base de la nomenclature Dintilhac.

Elle distingue 2 grandes catégories de préjudices : patrimoniaux et extrapatrimoniaux. Elle distingue également les préjudices temporaires, c’est-à-dire avant consolidation, et les préjudices permanents (après consolidation).

La consolidation est le moment à partir duquel l’état de la victime se stabilise, il n’évolue plus, ni en s’améliorant, ni en s’aggravant.

HÉMÉRA Avocats – Me Isabelle MOREAU

 

I- LES PREJUDICES EXTRAPATRIMONIAUX

 

LES DEPENSES DE SANTE

Ce sont les frais d’hospitalisation, les frais médicaux, pharmaceutiques et paramédicaux (infirmier, kiné…).

  • Avant consolidation, on les appelle dépenses actuelles Il peut s’agir de soins qui ne sont pas totalement remboursés par l’assurance maladie et la complémentaire santé, par exemple des séances d’ostéopathie. Il faut bien conserver la facture pour en obtenir le remboursement.
  • Après consolidation, ce sont les dépenses futures, donc prévisibles en fonction de la pathologie de la victime (parce que, par exemple, sont état nécessité qu’elle subisse des hospitalisations, ou encore la mise en place et le renouvellement de prothèses). → L’indemnisation se fera dans ce cas sur la base de dépenses que l’on va évaluer, annualiser et capitaliser.

 

LA PERTE DE GAINS PROFESSIONNELS 

Il peut s’agir des gains professionnels :

Actuels : Ce sont les pertes ou diminution des revenus de la victime jusqu’au jour de la consolidation.

– Ou futurs : pour les victimes qui se trouveraient en incapacité professionnelle permanente : avec par exemple une perte, un changement d’emploi. Cela pose difficulté pour les jeunes victimes qui n’avaient pas encore d’emploi au moment de l’accident : il faudra faire l’estimation de leur carrière et des ressources dont elles seront privées.

→ La preuve se fait par bulletins de salaires, déclarations de revenus pour les professionnels non salariés…

L’indemnisation sera calculée sur la base du revenu net imposable et avant prélèvement fiscal (Cass. 2e civ., 05.03.2020, n°18-20.278) avant l’accident, et déduction faite des prestations versées à la victime (indemnité journalière avant la consolidation, pension d’invalidité, rente accident du travail après la consolidation…).

 

Il y a également pour les plus jeunes, LE PREJUDICE SCOLAIRE, UNIVERSITAIRE OU DE FORMATION

Il s’agit d’indemniser la perte d’années d’études, le retard scolaire, une modification d’orientation.

→ L’indemnité va de la moitié du SMIC à 12.000 € selon la durée de perte d’année scolaire.

 

LES FRAIS DIVERS TEMPORAIRES (avant consolidation)

On y trouve par exemple :

– les frais de séjour hospitalier,

– les frais d’assistance temporaire par un tiers, même pour une simple assistance aux actes de la vie quotidienne (Cass. 2e civ., 10.11.2021, n°19-10.058) : aide à s’habiller, aide aux tâches ménagères…

→ l’indemnisation se fait sur la base d’un taux horaire moyen de 16 à 25 € l’heure selon le besoin et le handicap, même s’il s’agit d’un membre de la famille (Cass. 2e civ., 17.12.2020, n°19-15.969)

– les frais de déplacement pour les consultations et soins,

– les honoraires du médecin qui a pu assister la victime lors des opérations d’expertise médicale (Cass. 1ère civ., 22.05.2019, n°18-14.063),

les frais de garde d’enfant, de ménage, etc.

 

LES FRAIS LIES A LA REDUCTION D’AUTONOMIE
  • Frais de logement adapté:

Il s’agit des dépenses nécessaires pour adapter le logement au handicap de la victime, qu’il s’agisse de l’aménagement de son domicile ou bien du surcoût d’acquisition d’un nouveau logement adapté. Cela peut inclure également des frais d’un accueil en structure spécialisée.

  • Frais de véhicule adapté:

C’est la même chose, mais cette fois concernant le véhicule. On peut y ajouter les surcoûts d’un transport adapté s’il n’est plus possible d’utiliser les transports en commun par exemple.

  • Assistance par une tierce personne: ce poste de préjudice après consolidation, puisqu’avant il est intégré aux frais divers.

Il s’agit des dépenses liées à l’assistance permanente d’un tiers pour aider la victime handicapée dans ses démarches et les actes de la vie courante (se laver, se coucher, se déplacer, se nourrir…).

→ L’indemnité est versée sous forme de rente annuelle viagère selon les besoins de la victime (et non selon ses dépenses).

 

II- LES PREJUDICES EXTRAPATRIMONIAUX

 

LE DEFICIT FONCTIONNEL
  • Il peut être temporaire (DFT) : C’est l’indemnisation de l’invalidité de la victime dans sa sphère personnelle : correspondant aux périodes d’hospitalisation, à perte de la qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante.

Il s’agit de la « séparation de la victime de son environnement familial et amical durant les hospitalisations, privation temporaire des activités privées ou des agréments auxquels se livre habituellement ou spécifiquement la victime, préjudice sexuel pendant la maladie traumatique».

Par exemple, ne pas pouvoir enlacer ses enfants, s’habiller seul, être gêné dans les activités domestiques, ne pas pouvoir conduire, subir une gêne pour dormir, pour s’habiller, porter un collier cervical, ne pas pouvoir reprendre une activité sportive, devoir renoncer aux promenades….

→ L’indemnisation se fait à hauteur de 25 à 33 € par jour selon le handicap, avec une fixation de manière dégressive par l’expert (75%, 25%, 15%, 10%).

  • Le Déficit fonctionnel permanent (DFP) : Il s’agit de l’incapacité de la victime qui subsiste après consolidation : l’atteinte à ses fonctions physiologiques (réduction du potentiel physique, psychosensoriel, intellectuel) sans possibilité d’amélioration par un traitement médical. Il intègre les douleurs, ainsi que la perte de la qualité de vie et les troubles dans les conditions d’existence.

→ L’indemnisation se fait par un prix du point selon le taux d’incapacité et l’âge de la victime

 

L’INCIDENCE PROFESSIONNELLE (après consolidation)

Il ne s’agit plus sur la perte de revenus mais de l’indemnisation des incidences périphériques touchant à la sphère professionnelle de la victime après sa consolidation : dévalorisation sur le marché du travail, un nouvel emploi moins bien rémunéré, une perte d’une chance professionnelle, l’augmentation de la pénibilité de son emploi occupé, des frais de reclassement professionnel, de formation, une perte de retraite …

 

LES SOUFFRANCES ENDUREES 

Ce sont les souffrances physiques mais aussi morales avant la consolidation (après elles sont intégrées dans le DFP).

Il s’agit de « Douleur physique consécutive à la gravité des blessures, à leur évolution, à la nature, la durée et le nombre d’hospitalisations, à l’intensité et au caractère astreignant des soins auxquels s’ajoutent les souffrances psychiques et morales représentées par les troubles et phénomènes émotionnels découlant de la situation engendrée par l’accident. ».

→ La preuve peut être rapportée par des consultations spécialisées notamment de psychologues, il faut penser à compiler ses arrêts de travail, conserver ses ordonnances médicales.

Le préjudice va être évalué sur une échelle de 1 à 7 : avec des fourchettes, par exemple pour un degré 1 l’indemnisation pourra aller jusqu’à 2.000 €, pour un degré 7 jusqu’à 80.000 €

 

La jurisprudence indemnise également en plus des souffrances endurées, le préjudice d’angoisse de mort imminente : il s’agit de la souffrance extrême éprouvée par la victime entre l’accident et son décès, en raison de sa conscience de sa mort imminente. (Ch. Mixte, 25/03/2022, n°20-15.624)

 

LE PREJUDICE ESTHETIQUE

Il s’agit de l’altération de l’apparence physique de la victime, principalement en cas de brûlure, de traumatisme facial, d’appareillage.

Il est temporaire jusqu’à la consolidation, permanent après.

→ La preuve se fait principalement par photos.

L’indemnisation se fait également sur la base d’un barème avec une échelle de 1 à 7 : jusqu’à 80.000 €.

 

LE PREJUDICE D’AGREMENT DEFINITIF

Il s’agit de l’impossibilité pour la victime, après sa consolidation, de pratiquer régulièrement une activité spécifique, sportive ou de loisirs : on y trouve les activités sportives, ludiques, culturelles.

→ Il faut pouvoir justifier la pratique de ces activités par une licence sportive, une attestation d’adhésion d’association…

 

LE PREJUDICE SEXUEL DEFINITIF

Il y a 3 sortes de préjudices après consolidation (avant il est intégré dans le DFT) :

– le préjudice morphologique lié à l’atteinte aux organes sexuels,

– le préjudice lié à l’acte sexuel lui-même (perte d’envie, de plaisir, de la capacité physique à réaliser l’acte (Cass. 2e civ., 04.04.2019, n°18-13.704 qui retient une gêne positionnelle),

– le préjudice lié à une impossibilité ou une difficulté à procréer.

 

LE PREJUDICE D’ETABLISSEMENT 

Il s’agit de l’indemnisation de la perte d’espoir et de chance de réaliser un projet de vie familiale, en raison de la gravité du handicap permanent :  fonder une famille, élever des enfants et, plus généralement, tous les renoncements sur le plan familial.

→ L’indemnisation est très personnalisée.

 

LES PREJUDICES DES VICTIMES INDIRECTES

Par exemple :

  • La perte de revenus des proches qui doivent modifier leur vie professionnelle pour assister la victime handicapée ;
  • Le préjudice d’accompagnement (qui est le bouleversement sur le mode de vie des proches de la victime avec par exemple un surcroît d’activité domestique imposé par l’état de la victime);
  • Les frais divers: transport, hébergement;
  • Le préjudice d’affection: qui est subi par les proches au contact de la souffrance de la victime directe;
  • Le préjudice exceptionnel (par exemple un retentissement sexuel consécutif au handicap de la victime);
  • Les frais d’obsèques en cas de décès de la victime.

 

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