LA RESPONSABILITE CIVILE DU PROFESSIONNEL OU DE L’ETABLISSEMENT DE SANTE PRIVE

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LA RESPONSABILITE CIVILE DU PROFESSIONNEL OU DE L’ETABLISSEMENT DE SANTE PRIVE

HÉMÉRA Avocats – Me Valérie LEMERLE

 

  • Contre qui ?

La responsabilité civile concerne les professionnels de santé exerçant à titre libéral (activité en cabinet, en dispensaire, en clinique, en centre de santé, ou en cas de contrat d’exercice libéral passé avec un hôpital public) ainsi que les établissements de santé privés à but lucratif.

Si le médecin est salarié, il ne peut pas être poursuivi à titre personnel, c’est la responsabilité de l’établissement qui doit être recherchée.

Le chef d’équipe est responsable des fautes commises par les membres de son équipe sauf contrat de soins directement conclu entre ce subordonné et le patient.

 

  • Sur quel fondement ?

La responsabilité du professionnel de santé ou de l’établissement de santé privé est une responsabilité pour faute prouvée.

 

Une faute :

= sauf exception, les professionnels de santé et les établissements de santé ne sont responsables qu’en cas de faute commise dans l’accomplissement d’un acte de prévention, de diagnostic ou de soins (Article L1142-1,I, al.1er du Code de la santé publique).

Le professionnel de santé n’est pas tenu d’une obligation de résultat mais d’une obligation de moyens, c’est à dire qu’il n’est pas tenu d’obtenir une guérison mais qu’il doit mettre en œuvre tous les moyens possibles pour y parvenir.

Le médecin doit « donner à son patient des soins conformes aux données acquises de la science à la date des soins » (Cass. 1re civ., 6 juin 2000, no 98-19.295, Bull. civ. I, no 176).

Le médecin s’oblige donc pour soigner son patient à utiliser tous les moyens que lui offre la science au moment où il intervient.

Il n’est responsable du dommage survenu pendant l’acte médical que s’il a commis une faute consistant à ne l’avoir pas soigné conformément aux données acquises de la science.

C’est en principe au malade victime de cet acte d’apporter la preuve de cette faute. Son action doit être rejetée s’il apparaît que les soins ont été consciencieux, attentifs et conformes aux données acquises de la science (Cass. 1re civ., 10 mai 2005, no 03-16.272).

A l’instar du médecin libéral, la clinique privée n’est tenue à l’égard de ses patients qu’en cas de faute.

Elle n’est également tenue qu’à une obligation de moyens.

Par exemple, un établissement de santé privé est tenu de procurer à ses patients des soins qualifiés en mettant notamment à leur service des médecins pouvant intervenir dans des délais imposés par leur état (Cass. 1re civ., 13 nov. 2008, no 07-15.049, Bull. civ. I, no 255, D. 2008, p. 3010).

 

Exceptions au principe de responsabilité pour faute :
  • Les dommages causés par un produit de santé défectueux ou une infection nosocomiale

Article L. 1142-1, I, alinéa 2 du Code de la santé publique : les professionnels et les établissements de santé ne sont responsables qu’en cas de faute, exception faite des dommages causés par un produit de santé défectueux et, pour les établissements, des dommages découlant d’une infection nosocomiale.

  • Les recherches biomédicales

En cas de recherches biomédicales, le promoteur est présumé fautif. Il doit indemniser les conséquences dommageables de la recherche pour la personne qui s’y prête et celle de ses ayants droits, sauf preuve à sa charge que le dommage n’est pas imputable à une faute de sa part ou à celle de tout intervenant. Il ne peut pas s’exonérer en établissant la faute d’un tiers ou le retrait volontaire de la victime (C. santé publ., art. L. 1121-10, al. 1 )

  • Les examens de laboratoire courants

Les juges ont admis que le praticien est tenu d’une obligation de résultat pour les examens de laboratoire courants ou les injections intramusculaires.

  • Lorsqu’un chirurgien cause une blessure que son intervention n’impliquait pas

La jurisprudence a également admis que la faute du chirurgien était présumée dans le cas où il causait à son patient une blessure que son intervention n’impliquait pas nécessairement (Cass. 1re civ., 23 mai 2000, no 98-20.440, et n°98-19.869).   Le présumé fautif peut toutefois s’exonérer en établissant que la blessure subie par le patient a pour cause une anomalie anatomique de celui-ci, comme un tracé de nerf inhabituel.

Mais dans ces 2 derniers cas (examens de laboratoires courants et blessures causées pendant une intervention) il s’agit de créations jurisprudentielles antérieures à la Loi santé publique (2002) qui ne consacre que deux cas de présomption de responsabilité médicale, celle qui est encourue du fait des produits de santé défectueux et celle qui est encourue du fait des infections nosocomiales.  Donc rien ne permet à ce jour de savoir si elles seront maintenues ou si elles sont caduques.

 

En dehors de ces cas exceptionnels où la faute est présumée, la victime d’un acte médical doit donc prouver une faute du professionnel de santé ou de l’établissement de santé

Mais également Un lien de causalité avec le dommage

Le préjudice qu’invoque le demandeur en indemnisation d’un accident médical doit être la conséquence directe du fait dommageable.

Le lien de causalité est évidemment une condition de la responsabilité du médecin.

 

Exemples dans lesquels le lien de causalité n’a pas été retenu :

  • Un praticien avait oublié une compresse dans une plaie. Les juges ont retenu une faute d’inattention ou de maladresse indiscutable mais ils ont considéré qu’elle ne suffisait pas en soi à établir la responsabilité de son auteur parce qu’il n’était pas démontré que cet oubli fautif avait provoqué ou aggravé l’état infectieux du malade (Cass. 1re civ., 25 oct. 1961, Bull. civ. I, no 486, D. 1962, somm., p. 72).
  • Un dentiste avait laissé par maladresse, échapper un « tire-nerf » (petite broche très fine introduite par le praticien dans les canaux dentaires) avalée par le patient ; consulté, un chirurgien avait pratiqué, avec le consentement du patient, une intervention pour extraire cet instrument. L’intervention avait eu lieu sans que le chirurgien réussisse à récupérer l’objet avalé mais en laissant des séquelles sérieuses sur le patient. Quelques jours après, le « tire-nerf » était évacué par les voies naturelles. La Cour d’Appel avait partagé la responsabilité relative aux séquelles dommageables entre le chirurgien (1/3) et le dentiste (2/3). Le dentiste avait formé un pourvoi pour défaut de causalité entre sa faute et le dommage qui était consécutif à l’intervention chirurgicale inutile et non à sa maladresse. La Cour de cassation a effectivement écarté sa responsabilité (Cass. 1re civ., 30 sept. 1997, no 95-16.500, Bull. civ. I, no 259, D. 1997, I.R., p. 217).
  • Le personnel soignant d’un hôpital avait autorisé un patient à quitter l’établissement après une coloscopie. L’état du patient s’était aggravé au point de devoir être hospitalisé à nouveau d’urgence. Sept jours plus tard, le patient mourrait d’une insuffisance hépato-cellulaire qui n’avait pas été diagnostiquée. La Cour de cassation a approuvé les juges du fond d’avoir rejeté la demande en réparation de l’épouse de la victime dès lors qu’aucun lien n’était établi entre les fautes alléguées du personnel soignant et le décès du patient » (Cass. crim., 7 sept. 2004, no 04-80.761).

 

Exemples de décisions reconnaissant le lien de causalité :

  • Un médecin accoucheur avait commis des fautes dans l’utilisation des forceps et provoqué des lésions cérébrales chez un enfant qu’il aidait à naître. Ce dernier était mort quelques jours après, malgré des soins intensifs. Condamné pour homicide involontaire de l’enfant, le praticien est également reconnu responsable sur le plan civil, ses fautes étant « à l’origine directe des lésions cérébrales, seules et uniques causes de la mort de l’enfant nouveau-né » (Cass. crim., 23 oct. 2001, no 01-81.030, Bull. crim., no 217).
  • Un chirurgien avait placé une opérée dans une position mal adaptée à l’intervention. Les juges du fond reconnurent que cette faute était à l’origine directe du processus de détresse neurologique observé immédiatement après l’intervention et qu’elle était donc la cause de la mort de la patiente survenue deux ans plus tard, après un épisode comateux, de multiples complications et des séquelles neurologiques. En conséquence, ce praticien avait causé directement le dommage. (Cass. crim., 23 oct. 2001, no 01-81.227, Bull. crim., no 218).

 

Notion de perte de chance quand le lien de causalité n’est ni établi, ni écarté :

Lorsque le lien de causalité direct ne peut pas être établi mais pas écarté non plus, les tribunaux ont tendance à recourir à la notion de perte de chance pour pouvoir accorder aux victimes une réparation partielle : perte de chance de guérison ou perte de chance de survie.

Exemples :

  • Un médecin anesthésiste avait commis une faute sans qu’il ne soit certain qu’une démarche thérapeutique différente aurait pu modifier l’état du patient, la Cour en a déduit que la faute avait seulement privé ce patient d’une chance d’éviter l’accident ou d’en subir les séquelles (Cass. 1re civ., 30 oct. 1995, Bull. civ. I, no 384) ;
  • Une affaire dans laquelle une partie du dommage était déjà réalisée lors du diagnostic initial, mais où il était prouvé qu’un établissement plus rapide du diagnostic exact aurait donné au patient une chance de subir des séquelles moindres (Cass. 1re civ., 8 juill. 1997, Bull. civ. I, no 238) ;
  • Un cas dans lequel une correction plus rapide d’un diagnostic erroné aurait donné une chance au patient d’éviter une amputation (Cass. 1re civ., 8 juill. 1997, Bull. civ. I, no 239, JCP G 1997, II, no 22921, note Sargos P.).

 

Le lien de causalité en cas de défaut d’information:

Lorsque la faute reprochée au médecin est un défaut d’information, on distingue :

Les situations ou l’intervention était inévitable : dans cas, les tribunaux considèrent que le patient l’aurait accepté même s’il avait été pleinement informé des risques et le médecin qui n’a pas informé le patient ne sera pas tenu de réparer un éventuel préjudice corporel mais uniquement le préjudice moral.

Exemple : un patient a été opéré d’une récidive de hernie inguinale. En raison de circonstances pathologiques, l’intervention était inéluctable, mais elle présentait le risque de provoquer la nécrose d’un testicule, ce dont le malade n’avait pas été averti. Ce risque s’étant concrétisé, en l’absence de toute faute technique du chirurgien, sa responsabilité a été écartée en ce qui concernait le préjudice physique, mais retenue, en revanche, en ce qui concernait le préjudice moral découlant pour le patient du fait que l’absence d’information l’avait empêché de se préparer à l’éventualité d’une mutilation consécutive à cette nécrose (CA Paris, 17 nov. 1983, D. 1984, I.R., p. 459, obs. Penneau J.).

En revanche, si l’intervention n’était pas inéluctable, le défaut d’information constitue bien la cause de l’entier dommage. Mieux informé, le patient aurait pu, en effet, choisir de ne pas courir les risques de l’intervention. Dans ce cas, le médecin est bien tenu de réparer l’entier préjudice, corporel et moral.

Exemple : Un patient souffrant de surdité s’est vu offrir un choix entre deux possibilités : un appareillage ou une intervention chirurgicale présentant un risque sérieux de paralysie faciale dont le patient n’avait pas été averti. Il a choisi la seconde et la paralysie faciale est survenue. Le médecin a été condamné à réparer le dommage constitué par cette paralysie car le défaut d’information avait empêché le patient de prendre une décision en pleine connaissance de cause et était, ainsi, l’origine directe du dommage, en l’absence de toute cause étrangère (Cass. 1re civ., 11 févr. 1986, no 84-10.845, ; Cass. 1re civ., 7 déc. 2004, no 02-10957).

 

Cas particulier : de la naissance d’un enfant dont le handicap n’a pas été décelé pendant la grossesse lors que la future mère a fait procéder à un diagnostic prénatal ne révélant pas d’anomalie aux dires du médecin mais qu’elle met au monde un enfant handicapé. Depuis la loi du 4 mars 2002, le préjudice subi par « l’enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse » ne peut pas être indemnisé par le praticien ou l’établissement impliqués et que sa « compensation relève de la solidarité nationale ».

 

Le patient victime d’un préjudice a la charge de prouver le lien de causalité, aussi bien dans les cas de responsabilité pour faute que dans les cas de responsabilité sans faute.

Mais cette charge est allégée pour les victimes de produits ou de dispositifs de santé défectueux ou de maladies nosocomiales : dans ces cas, la victime peut se contenter de faire état de présomptions graves et concordantes (Cass. 1re civ., 30 oct. 2008, no 07-13.791, Bull. civ. I, no 245, D. 2008, p. 2936), le médecin ou l’établissement de soins ne pouvant écarter le lien de causalité qu’en établissant que les produits concernés sont exempts de vice ou qu’une cause étrangère est l’origine exclusive du préjudice.

 

  • Devant quelle juridiction ?

La responsabilité des médecins libéraux travaillant en cabinet de ville, ou en hôpital privé à but lucratif, ou en hôpital public s’ils ont commis une faute médicale détachable du service relève de l’ordre judiciaire (Tribunal Judiciaire – Cour d’Appel – Cour de cassation).

 

  • Dans quel délai ?

10 ans à compter de la consolidation (L1142-28 du Code de la santé publique)

Attention consolidation n’est pas guérison mais stabilisation : c’est lorsque l’état de santé n’est a priori plus susceptible d’évoluer à court ou moyen terme.

10 ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation (article 2226 Code civil).

 

Exonération de responsabilité : l’aléa thérapeutique

L’aléa thérapeutique c’est « la réalisation, en dehors de toute faute du praticien, d’un risque accidentel inhérent à l’acte médical et qui ne pouvait être maîtrisé ».

La médecine n’étant pas une science exacte, le risque 0 n’existe pas et il peut survenir des complications en dehors de toute faute ou de toute négligence

La survenance d’un aléa thérapeutique n’entraine pas la responsabilité du professionnel de santé ou de l’établissement de santé

Mais cette réparation est prise en charge, depuis la loi du 4 mars 2002, par l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (ONIAM) dès lors que ses conséquences sont d’une certaine gravité (C. santé publ., art. L. 1142-1, II, al. 2).

 

Sur le même thème:

L’indemnisation du préjudice corporel 

La responsabilité administrative des établissements de santé publics 

La responsabilité pénale et disciplinaire du professionnel de santé

En VISIOCONFERENCE: La responsabilité médicale privée

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