Violences conjugales, les sanctions civiles pour la protection du conjoint victime
HEMERA Avocats à Paris 14e – Me Charlotte HOAREAU
Articles 515-9 à 515-13 du Code civil
Éloignement du conjoint violent : Ordonnance de protection
La loi du 13 juin 2024 renforçant l’ordonnance de protection et créant l’ordonnance provisoire de protection immédiate a entraîné quelques modifications et crée un nouveau dispositif.
En cas de danger pour la victime des violences et ses enfants, il est possible de solliciter du Juge aux affaires familiales une audience pour obtenir une ordonnance de protection.
La demande est faite par le dépôt d’une requête auprès du Tribunal Judiciaire (lorsque la demande est faite par un avocat, les demandes ne sont pas plaidées, le dossier est déposé au SAUJ et une réponse est transmise à l’avocat avec la date d’audience).
Il conviendra de lui remettre tous les justificatifs des violences. Il peut s’agir, de mains-courantes, plainte, certificats médicaux, photographies des blessures, échanges de SMS avec l’auteur qui reconnaît les violences ou une partie des violences, attestation de témoins sur le formulaire prévu à cet effet, etc.
Préalablement à l’audience, le Procureur de la République doit donner son avis sur la délivrance de l’ordonnance de protection (dans les faits le Procureur donne son avis par écrit et souvent, il est découvert à l’audience).
Le juge doit statuer dans un délai maximum de 6 jours à compter de la fixation de la date d’audience, après avoir recueilli les observations de chaque partie.
L’article 515-11 du Code Civil prévoit les mesures pouvant être prises par les juges. Il peut notamment :
- Interdire à l’auteur des violences d’entrer en contact ou de s’approcher de la victime, à son domicile, sur son lieu de travail ou ailleurs. En cas d’accord des deux parties le juge peut décider du port d’un bracelet électronique permettant de s’assurer du respect de la mesure.
- Il peut prononcer l’interdiction du droit de détention ou de port d’arme de l’auteur des violences. S’il n’envisage pas de le faire, il doit justifier sa position dans l’ordonnance de protection.
- Il peut aussi proposer à l’auteur des violences une prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique, ou le suivi d’un stage de prévention contre les violences. Si l’auteur des violences refuse cette proposition, le juge doit en informer le procureur de la République.
- Il se prononce sur la jouissance du logement au profit de la victime (sauf ordonnance spécialement motivée), et peut contraindre l’auteur à une prise en charge financière.
- Il se prononce sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale, modalité du droit de visite et d’hébergement (si la mesure du 1 est édictée alors ne pas recourir au droit de visite médiatisé ou en présence d’un tiers de confiance doit être motivée), contribution et aide matérielle
- Autoriser la victime à ne pas communiquer son adresse ou à élire domicile
- Se prononcer sur l’admission provisoire de l’aide juridictionnelle
Les mesures contenues dans l’ordonnance de protection sont prises pour une durée de 12 mois et peuvent être prolongées.
L’ordonnance de protection permet au juge de prendre des mesures afin de protéger la victime mais également les enfants et statuer sur les mesures concernant lesdites enfants (attention à bien prévoir le cas en présence d’enfant et de CJ).
Les mesures contenues dans l’ordonnance de protection sont prises pour une durée de 12 mois.
Elles sont renouvelées automatiquement en cas de demande en divorce ou en séparation de corps – dans le délai de 12 mois – devant le Juge aux Affaires familiales et peuvent être prolongées.
Il s’agit donc d’une procédure d’urgence temporaire, il faudra donc saisir le Juge aux affaires familiales pour obtenir une décision au fond qui ne sera pas limitée dans le temps.
Si vous avez obtenu une ordonnance de protection, vous pouvez bénéficier de l’accompagnement d’associations spécialisées pour trouver un logement, qui peuvent sous louer des logements meublés ou pas qu’elles louent auprès des organismes de HLM.
Des facilités de paiement des cautions et 1ers loyers peuvent être octroyées.
Il est également possible de demander le déblocage anticipé de l’épargne salariale.
Ordonnance provisoire de protection immédiate
Lorsque le juge aux affaires familiales est saisi d’une demande en délivrance d’une ordonnance de protection, le Parquet peut également demander une ordonnance provisoire de protection immédiate. Pour cela, le demandeur doit avoir donné son accord.
Prononcé de l’ordonnance : Le juge aux affaires familiales doit rendre sa décision dans un délai de 24 heures à compter du moment où il a été saisi. L’ordonnance provisoire de protection immédiate est délivrée à condition que :
- Les faits de violences soient vraisemblables
- Il existe un danger grave et immédiat de violences à l’encontre du demandeur ou des enfants
Conséquences de l’ordonnance provisoire de protection immédiate
Le juge aux affaires familiales peut prononcer les mesures suivantes :
- Interdiction d’entrer en contact avec la ou les victimes
- Interdiction, pour l’auteur, de paraître dans certains lieux (domicile, lieu de travail de la victime…)
- Interdiction, pour l’auteur, de détenir ou de porter une arme
- Obligation, pour l’auteur, de remettre au service de police ou de gendarmerie le plus proche du lieu de son domicile les armes qu’il détient
- Suspension du droit de visite et d’hébergement de l’auteur des violences
- Dissimulation de l’adresse du domicile de la victime
L’ordonnance provisoire de protection immédiate est valable jusqu’au prononcé de l’ordonnance de protection. Cette ordonnance peut également être prononcée en cas de menace d’un mariage forcé.
La remise d’un téléphone « grand danger »
Le téléphone grand danger permettant à la victime de violences conjugales de contacter directement une plate-forme spécialisée en cas de danger puisque le téléphone portable dispose d’une touche dédiée, permettant à la victime de joindre, en cas de grave danger, le service de téléassistance accessible 7j/7 et 24h/24. C’est cette plate-forme qui alertera la police ou la gendarmerie si nécessaire. Ce dispositif permet également de géolocalisée la victime si elle le souhaite.
Ce téléphone est attribué par le procureur en cas d’éloignement du conjoint violent sur décision de justice, ou en cas de danger grave et imminent lorsque l’auteur des violences n’a pas encore été arrêté ou jugé. Le dispositif est destiné aux cas les plus graves de violences conjugales. Le téléphone est donné pour une durée de 6 mois renouvelable.
La victime sera également suivie par une association désignée par le procureur.
La demande peut se faire par tout moyen.
Le bracelet antirapprochement
Il sert à protéger la victime en empêchant le contact physique puisqu’une alerte se déclenche lorsque l’auteur se rapproche (il reçoit un avertissement et les forces de l’ordre peuvent intervenir).
Il permet de géolocaliser l’auteur et la victime.
Le dispositif est pris pour 6 mois renouvelables sous certaines conditions, sans pouvoir dépasser 2 ans. La distance d’alerte ne peut être inférieure à 1km sans pouvoir dépasser 10 km.
Il faut que la décision soit prise par un juge soit dans le cadre civil soit dans le cadre pénal.
En matière civile, la décision peut être prise dans le cadre de l’ordonnance de protection mais il faut l’accord de l’auteur, s’il ne l’a pas alors, il peut saisir le Parquet pour que la mesure soit prise pénalement.
En matière pénale, cela peut se faire avant le jugement dans le cadre du contrôle judiciaire (juge d’instruction ou juge des libertés et de la détention). Cela peut se faire également après le jugement, si la personne poursuivie est reconnue coupable, il s’agit alors d’une condamnation ou un aménagement de peine.
Le dispositif « VERIPHONE »
But : lutter contre le harcèlement
Tablette avec un QR CODE à scanner pour vérifier si le téléphone est surveillé ou infecté par un logiciel espion
Dispositif gratuit et sans rendez-vous, disponible depuis juillet 2022 au bureau de l’aide aux victimes du tribunal judiciaire de Paris èrapport d’analyses
La protection de l’enfant du couple
Depuis le 18 mars 2024 : poursuite pour crime contre le conjoint : plus d’autorité parentale, ni de son droit de visite et d’hébergement. Dès lors, il ne peut plus prendre de décision concernant la vie des enfants et il ne peut plus le recevoir.
L’exercice de l’autorité parentale et le droit de visite et d’hébergement sont suspendus jusqu’à la décision du juge aux affaires familiales, jusqu’à la décision de non-lieu rendue par le juge d’instruction ou jusqu’à la décision d’une juridiction pénale.
S’il y a condamnation : la juridiction pénale doit ordonner le retrait de l’autorité parentale. Si elle ne le fait pas, elle doit au moins ordonner un retrait partiel ou le retrait de l’exercice de l’autorité parentale.
S’il s’agit d’une condamnation pour un délit : le tribunal correctionnel peut ordonner le retrait total, le retrait partiel ou le retrait de l’exercice de l’autorité parentale.
La procédure de demande de l’aide universelle d’urgence
Vous pouvez faire la demande d’aide d’urgence en ligne ou sur place à la Caf ou à la Caisse de la Mutualité sociale agricole.
Si vous n’êtes allocataire d’aucune de ces 2 caisses, vous devez adresser votre contacter la CAF ou la Caisse de la Mutualité sociale agricole compétente pour votre domicile.
Vous pouvez faire la demande via le service en ligne du ministère des solidarités, celui de la Caf, ou encore celui de la Caisse de la Mutualité sociale agricole :
- https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/R66524
- https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/R66553
- https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/R66552
Aide d’urgence : prêt remboursable ou aide non remboursable
En tant que victime de violences conjugales, vous pouvez bénéficier, sous certaines conditions, d’une aide financière d’urgence (en fonction des ressources, cela peut être un prêt non remboursable ou remboursable sans intérêt).
Elle est versée en une fois par la CAF ou la CMSA et ne peut être accordée qu’une fois dans l’année.
Conditions pour bénéficier de l’aide universelle d’urgence
Rapporter la preuve que vous avez subies des violences de la part de votre conjoint, votre concubin (e) ou votre partenaire de Pacs (Signalement adressé au procureur de la République ; dépôt de plainte ; Ordonnance de protection délivrée par le juge aux affaires familiales)
Justifier de ses ressources :
- Revenus d’activité professionnelle salariée et non salariée
- Indemnités de chômage (y compris chômage partiel)
- Indemnités journalières de maternité, de paternité ou d’adoption
- Autres indemnités journalières de sécurité sociale
- Rémunération garantie perçue par les travailleurs handicapés admis dans un établissement ou un service d’aide par le travail
- Pensions de retraite, perçus le mois précédant la demande d’aide ou l’avant dernier mois précédant votre demande
Aide financière non remboursable (ne pas dépasser ces revenus à défaut prêt sans intérêt mais remboursable :
- 2 098,04 € pour une personne seule
- 3 147,06 € pour une personne avec un enfant à charge
- 3 776,47 € pour une personne avec 2 enfants à charge
- 4 615,69 € pour une personne avec 3 enfants à charge ou plus
Montant de l’aide universelle : 635,71 €.
Ce montant est majoré en fonction du nombre d’enfants à charge.
Il est minoré en fonction de la part de vos revenus supérieurs au Smic.
Tableau – Montant de l’aide en fonction de vos revenus et de vos personnes à charge | ||||
Revenus | Parent seul | Parent + 1 enfant | Parent + 2 enfants | Parent + 3 enfants |
Inférieurs à 699,35 € | 607,75 € | 911,63 € | 1 093,96 € | 1 337,06 € |
Compris entre 699,35 € et 1 398,70 € | 486,20 € | 729,30 € | 875,17 € | 1 069,65 € |
Compris entre 1 398,70 € et 2 098,04 € | 364,65 € | 546,98 € | 656,38 € | 802,24 € |
Supérieurs à
2 098,04 € |
243,10 € | 364,65 € | 437,58 € | 534,82 € |
L’octroi de l’aide urgente vous permet également de bénéficier, pendant 6 mois à compter du premier versement, des droits et aides accessoires au revenu de solidarité active (RSA), comme l’accompagnement social et professionnel.
Remboursement en cas de prêt sans intérêt
Vous devez commencer à rembourser l’aide d’urgence attribuée sous forme de prêt à compter du 24e mois qui suit son attribution.
Le remboursement doit se faire en maximum 24 mensualités de même montant.
Vous pouvez faire un remboursement anticipé ou un emboursement en une seule fois.
Le remboursement peut aussi se faire par prélèvement sur les autres prestations à recevoir de la Caf ou de la Caisse de la Mutualité sociale agricole.
Vous ne devez pas rembourser le prêt si vous avez porté plainte contre l’auteur présumé des violences et que la procédure est en cours, ou s’il a été condamné par la justice à rembourser le prêt.
Si votre situation financière ne vous permet de rembourser le prêt, vous pouvez demander une remise totale ou partielle de la dette auprès de l’organisme qui vous a attribué l’aide.
L’époux violent peut-il perdre les avantages tirés du contrat de mariage
Lorsque le mariage cesse, les biens du couple sont partagés en fonction des règles prévues par votre régime matrimonial dans le cadre de sa liquidation.
Le mariage prend fin dans deux cas : divorce / décès
Depuis le 31 mai 2024, dans certains cas, la condamnation de l’époux violent entraîne automatiquement la perte des droits liés au régime matrimonial. On dit alors qu’il est déchu des droits issus de la convention de mariage.
Dans d’autres hypothèses, cette déchéance de droits peut être prononcée par le tribunal judiciaire. Cette décision se distingue du jugement de condamnation.
Ces règles sont valables pour tous les contrats de mariage, y compris ceux conclus avant le 31 mai 2024.
Déchéance automatique
L’époux condamné (comme auteur ou complice) pour avoir volontairement donné ou tenté de donner la mort à son époux, ou pour avoir volontairement commis des violences ayant entraîné la mort de son époux sans intention de la donner, perd automatiquement les avantages que lui donnent le régime matrimonial.
- Déchéance prononcée par le tribunal
L’époux peut perdre les avantages liés à son régime matrimonial s’il a été condamné pour les faits suivants :
- Tortures, actes de barbarie, violences volontaires, viol ou agression sexuelle envers son conjoint
- Abstention volontaire d’empêcher un crime ou un délit contre l’intégrité physique de son conjoint qui en est décédé.
Cette déchéance de droits peut être prononcée par le tribunal judiciaire si la victime ou ses héritiers font la demande. Le ministère public peut également saisir le tribunal judiciaire.
La demande doit être faite dans un délai de 6 mois à compter :
- Du divorce
- Du décès, si l’époux violent a été condamné antérieurement
- Du jugement de condamnation si le décès est intervenu postérieurement.
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